Le matin du départ pour Amasya, alors que je demande à un brave homme quel dolmuş (minibus de ville) prendre pour me rendre au terminal de bus de Kastamonu, voilà que celui-ci propose de m'y emmener avec son propre véhicule. Il fera les sept kilomètres depuis le centre-ville et descendra même de sa voiture pour m'accompagner jusqu'au guichet ! Je me rends compte, une fois de plus, à quel point les turcs sont serviables et désireux d'aider.
Avec Amasya, nous retrouvons la Route de la Soie que nous avions quittée un peu avant Safranbolu en bifurquant vers la Mer Noire.
La carte de la Turquie avec Amasya en point de mire.
Après avoir traversé un paysage de rizières et un plateau semi-désertique, nous voilà entourés de montagnes qui culminent à 1500-2000 mètres d'altitude.
Le paysage de montagne près d'Amasya.
Amasya vaut le détour à plus d'un égard. Le site tout d'abord. Blottie au fond d'une vallée encaissée, la ville s'étend de part et d'autre d'une rivière au pied d'un à-pic rocheux couronné d'une ancienne citadelle. Le contraste entre le côté paisible des maisons ottomanes, qui se reflètent dans l'eau, et le côté hostile de la falaise abrupte, juste derrière, est saisissant.
La ville d'Amasya, rive gauche, et son à-pic rocheux.
Les maisons à pans de bois, restaurées avec goût, forment un bel ensemble et le charme opère à n'importe quel moment de la journée et particulièrement en soirée lorsque le soleil se fait caresse.
Les maisons ottomanes sur la rive du Yeşilırmak.
Il fait bon flâner dans les rues de la rive gauche et je trouve plein d'endroits pittoresques qui me comblent de plaisir. Ici, un hôtel-restaurant au fond d'une ruelle donnant sur la rivière. C'est naturellement le lieu que je choisis pour faire ma pause-déjeuner.
Le Grand Pasha Otel sur la rive gauche.
Là, le trottoir a été aménagé en terrasse avec narghilé pour les éventuels amateurs. N'étant pas fumeur, je me contenterai juste de faire une photo...
Sans aucun doute, le trottoir le plus confortable d'Amasya.
Autre intérêt, et non des moindres, l'histoire de la ville et ses vestiges. Après le démantèlement de l'Empire d'Alexandre le Grand, l'Anatolie se scinde en plusieurs royaumes dont celui du Pont qui couvre un territoire englobant tout le Nord-Est de l'Asie mineure. Amasya en deviendra la capitale en 281 avant J.-C.
Amasya et le Sultan Bayezid II, ancien gouverneur de la ville (fin XVe siècle).
Les rois du Pont logeaient au pied du piton rocheux dans un palais aujourd'hui disparu. Leurs tombes sont creusées dans la falaise. Elles sont dotées d'une façade monumentale reproduisant l'architecture d'un temple hellénistique. On en dénombre dix-huit dans la vallée, dont cinq sur le site d'Amasya. Elles sont accessibles par un chemin lui-même creusé dans la roche.
Les tombes des rois du Pont creusées dans la falaise.
Le chemin est un peu glissant mais assez spectaculaire !
Le chemin creusé dans la falaise.
Une grille empêche de pénétrer à l'intérieur des tombes. Mais quand on se trouve devant l'une d'entre elles, on se sent tout petit et on ne peut qu'admirer le travail colossal qui a été accompli ici. Il en a fallu des coups de marteau et de burin pour arriver à ce résultat...
Deux des tombes creusées dans la roche.
Pour grimper jusqu'à la citadelle, j'opte pour le taxi. Orhan n'est pas moins bon conducteur qu'un autre turc mais pas meilleur non plus. C'est donc pied au plancher qu'il démarre, soulevant un nuage de poussière...
Orhan au volant de son taxi.
Quelques minutes plus tard, je me trouve au niveau de la citadelle. Des ouvriers travaillent à sa restauration. Elle était immense puisque son mur d'enceinte s'étendait jusqu'aux berges de la rivière. Elle abritait la ville antique. Certains remparts subsistent et remonteraient à l'époque des rois du Pont. Aujourd'hui, bizarrement, plutôt que de conserver, il semble que l'on préfère reconstruire à neuf...
Les remparts de la citadelle surplombant la ville.
Mais c'est surtout le panorama, tout simplement exceptionnel, qui justifie le détour.
La ville d'Amasya enserrée dans sa vallée.
La ville s'est développée sur la rive droite de la rivière, là où il y a davantage d'espace. Eparpillés dans la ville moderne, se trouvent néanmoins quelques monuments anciens dont un marché couvert du XVe siècle, un caravansérail du XVIIIe siècle (aujourd'hui en ruines) qui rappelle que nous sommes sur la Route de la Soie, et quelques mosquées.
Les quartiers anciens au premier plan et la ville moderne au second plan.
Mon coup de coeur, je le décerne à la mosquée Beyazit Paşa. C'est l'une des toutes premières mosquées ottomanes du pays. Ses magnifiques arcades blanches et rouges s'ouvrent sur une agréable pinède où l'on trouve une jolie fontaine.
La mosquée Beyazit Paşa (1414) et la fontaine aux ablutions.
C'est près de cette fontaine que je me fais arroser par des enfants qui ne trouvent rien de mieux que d'emplir leur bouche d'eau et de venir me la cracher dessus. Ca les fait beaucoup rire. Moi, beaucoup moins...
Les portes en bois de la mosquée Beyazit Paşa reprenant le motif de l'étoile.
Le Coran mis à disposition des fidèles sur le rebord d'une fenêtre.
En revenant à la Maison des Enseignants, idéalement située sur les bords de la rivière, je me délecte une dernière fois de la vue sur la falaise aux deux mille ans d'histoire qui se pare de lumières à la tombée de la nuit.
La falaise illuminée à la nuit tombante.
Cette dernière vision achève de me convaincre qu'Amasya vaut vraiment le détour...