Tokat, moins spectaculaire qu'Amasya, possède néanmoins quelques monuments intéressants. Ville chrétienne dans l'empire ottoman au XVIIe siècle, elle ne comptait pas moins de douze églises et quatre couvents. On y trouvait même une colonie juive. Aujourd'hui, il reste quelques juifs mais plus de chrétien et... plus d'église.
La carte de la Turquie avec Tokat en point de mire.
En revanche, il subsiste un magnifique caravansérail (Tas Han) qui accueillait les marchands sur la Route de la Soie. Les cellules sont aujourd'hui aménagées en atelier, échoppes et bistrots à thé.
Le caravansérail (1614-1630) et la citadelle en arrière-plan.
A l'angle Nord-Est du caravansérail se trouve une collection d'ustensiles en cuivre et en étain. Je m'arrête pour admirer le travail de ces artisans qui, de leurs mains habiles, ont su façonner ces objets, héritage d'un savoir-faire ancestral.
Un samovar un peu plus grand que nature !
Un peu trop encombrant le samovar comme souvenir... aussi préféré-je me rabattre sur les pièces de monnaie ottomanes repérées dans la petite boutique d'à côté. J'en choisis trois. Dans mon ignorance, je crois, en voyant les dates figurant sur les pièces, qu'elles sont très anciennes mais vu que le calendrier musulman n'est pas le même que le nôtre, les pièces "très anciennes" se révéleront être du XIXe siècle... C'est que numismate, ça ne s'improvise pas !
Trois pièces de monnaie ottomanes (XIXe siècle). La Tughra, signature calligraphiée du Sultan, est visible sur celle en haut à gauche.
Tout près du caravansérail se trouve une école coranique (Gök Medrese) édifiée en 1277. Il faut descendre une volée de marches pour y accéder car le niveau du sol s'est élevé de 4 à 5 mètres depuis le XIIIe siècle, conséquence des pluies et des crues qui ont charrié des tonnes d'alluvions dans la ville, sans oublier les glissements de terrain dus aux tremblements de terre.
L'école coranique et son porche d'entrée (1277).
Gök (ciel) signifie "bleu" en turc ancien. C'est la couleur des carreaux de céramique qui recouvraient les murs intérieurs du bâtiment.
La cour intérieure de l'école coranique.
Il en reste très peu aujourd'hui mais juste assez pour donner une idée de sa splendeur passée.
Les carreaux de céramique reprenant le motif de l'étoile.
Le quartier ancien à deux pas de la rue principale est intéressant avec la mosquée Ali Paşa du XVIe siècle et les maisons ottomanes bien restaurées mais ce n'est pas ce qui m'attire. Les maisons ottomanes de Safranbolu m'avaient comblé, j'ai envie de voir autre chose. Je décide de monter vers la citadelle, et bien m'en prend car je découvre un quartier moins pimpant certes, mais au charme authentique.
La rue en pente qui mène à la citadelle.
Mieux, j'y fais des rencontres aussi drôles qu'inattendues. Tout d'abord, ces trois garçons pour qui l'arrivée d'un étranger est un vrai divertissement. Ils me suivent à la trace à travers les ruelles du quartier en m'assaillant de questions. Quand ils apprennent que je suis professeur, ils redoublent d'intérêt, commençant chacune de leurs questions par un très révérencieux "Teacher !" qui me fait bien rire.
Les trois compères : Sefa, Mert et Fahrettin.
Ils me suivent partout, ne me lâchent pas d'une semelle, s'intéressant aux photos que je fais.
Un petit garçon jouant dans la rue.
Leur présence, un peu envahissante et bruyante il faut bien le dire, m'amuse plutôt. Les gens sortent de leur maison pour voir ce qui se passe.
C'est la curiosité qui pousse cette femme à sortir de chez elle.
Un couple de retraités, prenant le frais dans la rue, demande aux garçons qui je suis. Ils leur répondent que je suis un enseignant français et que je fais des photos. L'homme me demande alors de le prendre en photo avec son épouse devant sa maison. L'avantage du numérique, c'est que la photo est visible immédiatement. Il la regarde et visiblement satisfait, s'empresse d'écrire son adresse sur un bout de papier pour que je puisse la lui envoyer.
Le couple de retraités posant fièrement devant leur maison.
Bientôt, tout le quartier est au courant. Je tombe sur un groupe de femmes, assises sur un tapis posé au milieu de la rue, en train de discuter tout en épluchant des légumes. Là encore, les garçons leur expliquent qui je suis. Une femme accepte que je la prenne en photo avec les enfants. Mais les trois autres, sans doute un peu gênées devant un étranger, s'y refusent et préfèrent tourner la tête.
Pudeur ou gêne, certaines femmes évitent de montrer leur visage.
J'aurai moins de chance plus loin. Alors que je m'apprête à prendre un cliché d'une femme devant chez elle, le beau-père (ou le mari ?) apparaît à la fenêtre de la maison et me dit de déguerpir en joignant le geste à la parole. Je n'insiste pas.
Les jeunes filles, elles, se prêtent plus volontiers au jeu.
Le plus beau regard, c'est celui de cette jeune femme croisée dans une rue un peu plus haut. Contrairement aux musulmanes sunnites qui se couvrent le pourtour du visage, les musulmanes de confession alevi portent un foulard noué au niveau de la nuque qui laisse apparaître leur cou.
Une jeune femme alevi dans les rues de Tokat.
Ce jour-là, je donne toute ma provision de gâteaux secs aux trois garçons (qui les engloutissent en un rien de temps) et offre un soda à chacun. C'est grâce à eux que j'ai pu faire tous ces portraits. Tous ces sourires, cette gentillesse... Aujourd'hui, c'est avec beaucoup de plaisir et d'émotion que je revois les photos.
Les garçons m'accompagnent tout en haut jusqu'à l'ancienne citadelle.
Le soir même, en rentrant, j'assiste à un mariage qui se tient dans la salle de restaurant de la Maison des Enseignants. La décoration est sobre et les invités le sont tout autant puisqu'il n'y a pas d'alcool sur les tables. Les anciens regardent les plus jeunes danser sur la piste au son de la musique turque et ont l'air de s'ennuyer ferme. A 22 heures, les invités partent, on éteint la sono, on range les tables, on passe un coup de balai, la fête est terminée. Ca tombe bien, je voulais me coucher de bonne heure...
A gauche près du mur, une urne (sous le voile) pour les dons des invités et un écriteau " maşallah ", sensé éloigner le mauvais oeil et guider les jeunes mariés vers le bonheur.
A propos de musique turque, une chanson me trotte encore dans la tête. Elle m'a accompagné tout au long de l'été 2008. Je l'ai entendue partout, dans le bus, à la radio et le clip-vidéo passait régulièrement à la télévision sur les chaînes musicales. Il s'agit de "İçime İşlerken" de Sevda. Je vous invite à l'écouter en cliquant sur le lien suivant :
http://www.dailymotion.com/video/x5luwdsevdaicime-islerkenmusic