La ville de Şanlıurfa (Urfa la Glorieuse), plus simplement appelée Urfa, n'est autre que l'ancienne Edesse où, selon la légende, Adam et Eve auraient séjourné. Elle est également associée à Ur où, selon la Bible, le prophète Abraham aurait vu le jour. C'est l'un des plus importants sites religieux et historiques de Turquie.
La carte de la Turquie avec Şanlıurfa en point de mire.
Dressée sur une colline, l'imposante citadelle domine la ville. La date de sa construction est incertaine mais on sait qu'elle a été occupée dès l'époque hellénistique par les troupes d'Alexandre le Grand venues de Macédoine (IVe siècle av. J.-C.). Elle sera remaniée plusieurs fois au fil des siècles, notamment par les Croisés (début XIIe siècle) qui feront de la ville, la capitale d'une principauté latine qui subsistera jusqu'en 1144 : le comté d'Edesse.
La citadelle d'Urfa perchée sur une colline.
Mis à part les remparts, il ne reste presque rien de la forteresse. Seules deux colonnes ont résisté au temps et aux vicissitudes de l'histoire. De là, la vue sur Urfa et les environs est spectaculaire.
La vue sur la ville depuis la forteresse.
Juste en contrebas, au pied de l'escalier menant au château, se trouve le sanctuaire du Dergah, un ensemble de mosquées et de jardins dédié à Abraham, prophète majeur chez les musulmans.
La Mosquée Mevlid-i Halil de style ottoman (1986).
La Mosquée Mevlid-i Halil, construite récemment, marque l'emplacement d'un site exceptionnel. C'est ici, dans une grotte creusée dans la falaise, que serait né le prophète Abraham. Chaque année, des milliers de pèlerins viennent se recueillir à cet endroit. Pour accéder à la grotte, il faut traverser la cour à colonnades de la mosquée et passer sous une des arcades. Une seule entrée mais deux portes : une pour les femmes et une autre pour les hommes.
La cour à colonnades et les deux portes d'entrée de la grotte (sous l'arcade de droite).
Une fois la porte franchie, un porche placé très bas oblige les pèlerins à s'incliner. On accède alors au saint des saints, la grotte d'Abraham. A travers la vitre qui en condamne l'accès, on peut voir une petite salle entourée de bancs de pierre. Une source, aux vertus soi-disant curatives, coule à flots depuis la cavité. Les pèlerins, accroupis autour de l'eau précieuse, s'en aspergent le visage et en boivent de grandes lampées.
La grotte d'Abraham.
La légende raconte qu'Abraham naquit dans cette grotte et qu'il y vécut caché jusqu'à l'âge de sept ans pour échapper aux soldats du roi Nemrod (ce dernier avait décidé de faire tuer tous les nouveau-nés après qu'un songe lui eut révélé que l'un d'entre eux deviendrait plus puissant que lui). Parvenu à l'âge adulte, Abraham lutta contre l'idolâtrie. Il se mit à détruire les représentations des dieux païens vénérés par les mésopotamiens.
Un roi mésopotamien devant trois divinités : Ishtar (Vénus), Shamash (Soleil) et Sîn (Lune), musée d'Urfa (stèle du XIe siècle av. J.-C.).
Trois statuettes d'Ishtar, déesse de l'Amour et de la Fertilité, musée d'Urfa.
Pour le punir de cette offense, le roi Nemrod le fit arrêter et immoler sur un bûcher. Mais Dieu transforma le feu en eau et les braises en poissons. Abraham fut projeté en l'air depuis la colline où se dresse aujourd'hui la forteresse et retomba sain et sauf, à quelques centaines de mètres de là, sur un lit de roses. La mosquée Halilur Rahman marque l'emplacement de cet endroit sacré.
La mosquée Halilur Rahman, en fait, une ancienne église byzantine (début XIIIe siècle).
Les jardins, aménagés en roseraie, ainsi que deux plans d'eau rectangulaires peuplés de carpes, se veulent la représentation symbolique de cette légende.
L'un des deux plans d'eau et le mur à arcades de la mosquée Rızvaniye Vakfı (1716).
Les carpes sont considérées comme sacrées et la croyance populaire veut que quiconque en attrape une devienne immédiatement aveugle...
Le jeu favori des pèlerins et autres visiteurs : nourrir les carpes.
Non loin de là, dans un parc du sud-ouest de la ville, se trouve un autre site religieux d'importance : la grotte du prophète Job.
Le pavillon abritant la grotte de Job.
Autre prophète, autre légende... Celle-ci raconte qu'Eyyüp (Job), un homme pieux et fortuné, se vit accablé de malheur par Iblis (Satan) qui voulait ainsi ébranler sa foi en Dieu. Il perdit ses enfants, sa santé et sa richesse (d'où l'expression "être pauvre comme Job"). Il se retira alors dans une grotte où il attendit patiemment en priant Dieu.
La grotte de Job.
Au bout de sept ans, il retrouva ses enfants, ses biens et recouvra la santé grâce à une source qu'il fit jaillir en frappant le sol du talon. On peut aujourd'hui voir le puits abritant cette source à quelques pas de la grotte.
Le puits marquant l'emplacement de la source de Job.
Les pèlerins qui visitent ce site unique, viennent se recueillir et prier dans la grotte ou la mosquée annexe en espérant acquérir un peu de la patience du prophète Job et peut-être retrouver santé et richesse...
Les légendes entourant Urfa sont nombreuses et fascinantes mais on peut se demander si elles sont fondées. Alors, mythe ou réalité ? Urfa est-elle vraiment le lieu de l'antique Ur qui a vu naître le prophète Abraham et donc le monothéisme dont sont issues nos religions juive, chrétienne et musulmane ? Certains pensent que non, arguant que la ville d'Ur est située beaucoup plus au Sud (dans le Sud de l'Iraq actuel). D'autres remettent en question l'existence même d'Abraham et pensent qu'il s'agit d'un mythe. Quoiqu'il en soit, on ne peut mettre en doute l'authenticité de la foi de ces pèlerins qui viennent par milliers chaque année prier à Urfa...