Le monastère Mor Gabriel (Deyrul Umur Manastırı) se situe sur un plateau désertique près de la frontière syrienne et irakienne. Lorsque je m'y rends en ce jeudi 31 juillet 2008, la chaleur y est caniculaire. Je porte mon gros sac à dos sur les épaules car il me faudra revenir vers Midyat dans l'après-midi avant de rejoindre Mardin plus à l'Ouest avant la tombée de la nuit.
La carte de la Turquie avec le Monastère de Mor Gabriel en point de mire.
Le minibus me laisse à un carrefour à 2.5 km du monastère. J'aimerais tenter ma chance en auto-stop mais je dois me rendre à l'évidence, la route est à l'image du paysage... déserte ! Plutôt que d'attendre un improbable véhicule en plein soleil, je décide de marcher. Bientôt, je croise un troupeau de chèvres suivi de leurs bergères, une image presque biblique dans ce paysage d'oliviers...
Le troupeau de chèvres et une mule bien chargée...
Les trois bergères rencontrées sur la route du monastère.
Je souffre de la chaleur et sue à grosses gouttes sous le poids du sac à dos mais le monastère est bientôt en vue. De loin, avec ses hauts murs, on dirait une forteresse. Il est vrai que ces dernières années, la communauté chrétienne vivant dans la région a souvent été la cible d'intimidations à la fois de la part du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) et de fanatiques islamiques, d'où certaines précautions. Ainsi, chaque soir, de lourdes portes en fer en ferment l'accès dès le coucher du soleil.
La porte d'entrée monumentale du monastère ornée d'une croix pattée et d'inscriptions en syriaque.
La première cour, entourée de murs à balustrades, de portes et de fenêtres sculptées, donne un aperçu de sa grandeur passée. Le grès jaune, omniprésent dans l'architecture de l'édifice, donne une belle unité à l'ensemble.
Les bâtiments monastiques vus de la première cour.
Nous franchissons une deuxième porte monumentale au décor d'une grande finesse.
La seconde porte monumentale ornée de motifs géométriques et floraux.
Nous accédons alors au cloître, la partie la plus ancienne du monastère.
L'ancien jardin du cloître.
Fondé en 397, le monastère a été considérablement remanié au fil des siècles et plusieurs ouvriers travaillent encore à sa restauration. Aujourd'hui, il sert de résidence à l'archevêque de l'église syriaque orthodoxe du Tür Abdin (le plateau environnant). Il abrite également une petite communauté de sept soeurs et quatre moines dont l'objectif est de perpétuer la tradition chrétienne dans la région en pourvoyant à la formation et à l'ordination de moines venant des environs, d'où la présence d'étudiants dans ses murs.
Les arcades du cloître.
L'église est étonnante. C'est une nef unique dont la voûte de brique est tout à fait remarquable. Contrairement au plan traditionnel, son axe est perpendiculaire au choeur.
La mononef de l'église (l'entrée est à droite et le choeur à gauche).
L'autel, abrité dans une niche que l'on peut fermer par un rideau, se distingue par son riche décor qui tranche avec la sobriété du reste de l'édifice.
L'autel orné de motifs floraux, de croix pattées et d'une inscription en syriaque.
Au-dessus de l'autel, des fresques très anciennes couvrent la totalité de la voûte. Malheureusement, la pénombre est telle que les photos ne donnent rien. Devant l'autel, sur le lutrin, une bible dont la couverture en étain n'est pas sans rappeler celle vue dans la petite église syriaque orthodoxe de Midyat.
Les douze apôtres et la scène de la crucifixion.
Sur les murs, on peut voir des tentures aux couleurs vives représentant des évêques et des saints particulièrement vénérés chez les chrétiens orthodoxes.
Samuel et l'évêque saint Carpe.
Saint Georges et les Quarante martyrs de Sébaste.
Dans une autre partie du monastère, on peut admirer une coupole vieille de plus de 1500 ans. Elle a été construite à la demande de Théodora, épouse de l'empereur Justinien, et représente une prouesse technique remarquable pour l'époque.
L'immense coupole bâtie par Théodora (VIe siècle).
Dans une des cryptes dont la construction remonte probablement à la fondation du monastère, un petit renflement dans le sol témoigne de la présence d'une tombe, celle de Saint Gabriel. Il aurait été moine dans ce même monastère au VIIIe siècle. On prétend que le sable qui entoure sa tombe aurait des vertus curatives...
La bien modeste tombe de Saint Gabriel.
La visite s'achève. Dehors, il règne toujours une chaleur caniculaire. Heureusement, pour le retour vers Midyat, j'ai plus de chance. Un couple d'Italiens rencontré au monastère propose de m'y emmener en voiture. Cela m'épargne le trajet à pied jusqu'à la route principale avec mon sac sur le dos et m'évite d'attendre un hypothétique minibus sous un soleil de plomb... Ce soir, je serai à Mardin !