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24 mai 2009 7 24 /05 /mai /2009 22:51


Dans le minibus qui m'emmène de Batman à Hasankeyf, je fais la connaissance de Mohamed, un jeune étudiant qui me prend en sympathie au point de m'offrir le trajet. Je refuse poliment mais il insiste. Il dit qu'aujourd'hui est un jour important pour les musulmans car c'est le jour où, selon la tradition musulmane, l'archange Gabriel (Jibril) est apparu à Mahomet dans la grotte de Hira (près de La Mecque) et lui a transmis la révélation, la parole de Dieu. C'est donc jour de fête et par ce geste, il rend hommage à son Prophète.


La carte de la Turquie avec Hasankeyf en point de mire.


Situé à quatre heures de route du lac de Van et à 80 km de la frontière syrienne, Hasankeyf est mon coup de coeur de l'Anatolie orientale. C'est un adorable village accroché à une falaise, couleur de miel, qui surplombe le Tigre.


Le village d'Hasankeyf.


Autrefois, un pont de pierre (Eski Köprüsü) permettait de franchir le fleuve et de rejoindre la ville, étape importante de la route de la Soie entre le XIe et le XIIIsiècle. Construit par Fakreddine Karaaslan, seigneur des Artukides (une dynastie turcomane), le pont possédait la plus grande arche jamais construite au Moyen Age (40 mètres). On pense qu'elle était en bois et qu'elle était retirée pour couper l'accès de la ville en cas d'attaque ennemie.


Les piles brisées du vieux pont qui enjambait le Tigre (XIIe siècle).


Depuis le vieux pont, on apprécie encore mieux la falaise de calcaire monumentale qui se dresse verticalement au-dessus du Tigre. Tout en haut, se trouve une citadelle dont nous reparlerons plus loin.


La dernière arche du pont encore debout et la citadelle au sommet de l'impressionnante falaise.


Au pied de la falaise, on a construit une dizaine de paillottes qui tiennent lieu de restaurants. Les tables et les assises, constituées de coussins et de tapis, sont disposées sur des terrasses métalliques montées sur pilotis. Certaines ont les pieds dans l'eau...


Une des terrasses sur pilotis au bord du Tigre.


J'ai pour mission de retrouver Ömer, un ami de Nathalie, et de lui donner des photos de tous les deux prises il y a un an à ce même endroit. Je le retrouve facilement. Il est là, sous sa paillote. Ömer ne parle pas anglais mais quand il voit les photos de Nathalie, l'émotion se lit sur son visage. Il pose la main sur son coeur et exprime avec moult gestes toute l'affection qu'il lui porte.


Ömer sous sa paillotte.


En tant qu'étranger et ami de Nathalie de surcroît, j'ai droit à tous les égards. Il me fait asseoir à l'une de ses terrasses au bord de l'eau et me prépare un merveilleux déjeuner. Au menu, du poisson grillé, tout droit venu du Tigre, un vrai régal !

Ensuite, il me guide vers une grotte, toute proche, à l'intérieur de laquelle un café y a été aménagé sur trois niveaux. Les étages sont reliés entre eux par des escaliers eux-mêmes taillés dans la roche. L'ambiance qui y règne est extraordinaire, d'autant que nous sommes les seuls clients...


Un café troglodytique aménagé dans la falaise.


Au fond, coule une cascade artificielle qui apporte une certaine fraîcheur. Rien de tel pour échapper à la chaleur suffocante du dehors. On y passera un bon moment à boire du thé et à échanger malgré la barrière de la langue.

Une fois les heures chaudes passées, je me dirige vers la citadelle. Pour y accéder, il faut s'enfoncer dans un défilé rocheux dont les parois sont trouées de grottes.


Les habitations troglodytiques au dessus du village d'Hasankeyf.


Rares sont celles qui sont encore habitées car dans les années 1970, les habitants ont été contraints par le gouvernement turc de les abandonner et de venir s’installer plus bas, dans la vallée, près du vieux pont.

Je rencontre deux garçons qui habitent encore une de ces habitations traditionnelles avec leur famille. Je leur montre quelques tours de cartes mais ils en connaissent plus que moi !


Murat (10 ans) et son frère Ahmet (12 ans) dans leur habitation troglodytique.


Plus loin, je trouve d'autres grottes encore utilisées aujourd'hui.


Quelques cavités aménagées en café.


Mais la plupart est désormais laissée à l'abandon. Et la nature ayant repris ses droits, on a parfois l'impression de déambuler dans une cité fantôme...


Une ancienne habitation aux formes étranges...


Nous continuons le chemin taillé dans la roche et arrivons bientôt à la citadelle. Nous passons une première porte monumentale, en rénovation, puis une deuxième, plus petite.


L'entrée de la citadelle et la vallée du Tigre.


Construite par les Ayyoubides au XIIIe siècle et remaniée par de nombreux chefs kurdes au cours des siècles, la citadelle bénéficiait d'une situation stratégique facile à défendre.


La citadelle dominant la vallée du Tigre.


Au milieu des ruines, on trouve quelques vestiges intéressants, notamment ceux de la Grande Mosquée (Ulu Cami) du XIVe siècle et du Grand Palais (Büyük Saray) du XVe siècle.


Les ruines du Grand Palais (XVe siècle).


On y trouve également une petite mosquée, probablement une ancienne église byzantine.


La petite mosquée (XIVe siècle).


Derrière la mosquée se trouve un petit cimetière où les tombes musulmanes offrent leurs magnifiques entrelacs à la douce lumière du soir.


Les pierres tombales du cimetière musulman.


Alors que le soleil se couche, je prends le temps de regarder cette magnifique vallée et de la photographier avec mes yeux.


La citadelle, le village d'Hasankeyf avec son pont moderne et la vallée du Tigre.


La légende raconte qu'un prisonnier arabe du nom de Hasan, qui allait être mis à mort, demanda une dernière faveur au seigneur des lieux. Il souhaitait monter une dernière fois sur son cheval bien aimé. Cette faveur lui fut accordée. Mais tandis qu'il faisait le tour de la cour de la forteresse, il prit de la vitesse et s'élança dans le vide avec son cheval. La chute de 150 mètres fut fatale au cheval mais le prisonnier en réchappa. Il put s’enfuir et tous les spectateurs s’exclamèrent alors : Hasan Keif (Hasan, comment...). Ce nom resta attaché à la forteresse.


La falaise et le Tigre au coucher du soleil.


On peut légitimement s'inquiéter du sort réservé à Hasankeyf dans les prochaines années. En effet, un projet de barrage menace de noyer le village sous les eaux (en tout, 75 villages sont concernés, soit 56 000 personnes). Si c'est le cas, la Turquie perdra un patrimoine historique et  archéologique de première importance. En effet, la ville est l’une des communautés chrétiennes les plus anciennes du monde oriental. Elle a aussi été la première ville d’Anatolie convertie à l’islam au VIIIsiècle. Des fouilles sont encore en cours et chaque année, on y fait des découvertes importantes.

Beaucoup de personnes en Turquie et ailleurs se mobilisent contre ce projet. Il existe un site français qui mène campagne contre la construction de ce barrage dont voici le lien :
http://www.sauvezhasankeyf.org/

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commentaires

C
Hasankeyf une merveille, tes photos sont suberbe et bien racconter, bon voyage. Bye du Québec
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H
<br /> <br /> Merci pour le compliment et bien le bonjour au Québec !<br /> <br /> <br /> <br />
N
Il y aura d'ici peu des nouvelles "fraîches" d'Hasankeyf puisque j'y étais début mai... Dificile d'échapper à la magie des lieux !
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G
Je vais signer la pétition illico.<br /> Merci pour cette découverte qui va m'inciter à visiter cette magnifique petite ville qui me correspond tout à fait.2010? 2011?<br /> Architecture, magie des lieux, ambiance sereine loin des foules ... C' est un vrai plaisir pour moi d'attendre le prochain article pour la semaine suivante.
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H
<br /> <br /> Si vous visitez Hasankeyf, vous serez certainement séduite par la magie des lieux...<br /> <br /> <br /> <br />